Les privilèges de couples

par Yassine

Les privilèges de couples

Dans les relations polyamoureuses, on parle souvent d’égalité, d’ouverture, de choix conscients. Et pourtant, il y a un élément souvent invisible qui vient hanter bon nombre de configurations : celui du privilège de couple.

Ça met souvent les gens sur la défensive. "On ne fait de mal personne", "Ce sont juste nos limites à nous", "Non, on est tous égaux", etc.

Pourtant, le privilège de couple ne se résume pas à une série de règles formelles ou à une volonté consciente de nuire. Il s’incarne dans des dynamiques silencieuses, des choix structurels, et surtout dans le pouvoir inégal de dire “oui” ou “non” à ce que vivent les autres.

Le privilège n’est pas un vilain mot

Dans son sens général, un privilège, c’est un avantage structurel : quelque chose qu’on possède ou qu’on exerce, souvent sans s’en rendre compte, simplement parce qu’on est dans une position particulière. Ce n’est pas toujours un choix, mais c’est toujours une responsabilité.

En polyamour, le privilège de couple émerge le plus souvent dans des configurations où une relation préexistante — souvent un couple de vie, un mariage, une cohabitation — conserve un pouvoir décisionnel ou symbolique supérieur à celui des autres relations. Ce pouvoir peut s’exprimer à travers des règles (parfois imposées unilatéralement), des habitudes invisibles, ou simplement une répartition inéquitable du temps et de l’énergie.

Ce n’est pas l’amour qui est hiérarchique, c’est l’accès

On entend parfois : “Je n’aime pas mes partenaires différemment, je les aime juste autrement.” Et c’est souvent sincère. Le problème n’est pas dans les sentiments, mais dans les conditions d’accès à la relation.

Prenons un exemple : un partenaire “secondaire” n’est jamais invité aux fêtes de famille, ne peut pas dormir chez vous, ne peut pas vous voir les week-ends “réservés au couple” ou doit attendre l’aval de votre partenaire principal avant qu’un rendez-vous ait lieu. On peut dire qu’il n’y a pas de hiérarchie émotionnelle. Mais en pratique, l’un·e peut vivre la relation sans contrainte, l’autre doit s’adapter à des règles qu’iel n’a pas co-construites.

L’illusion de la neutralité

Beaucoup de couples essaient d’agir “neutrement”. Ils décident ensemble de règles “raisonnables” pour protéger leur relation : pas de nuitées, pas de sexe avec d’autres avant X temps, pas de rencontres sans concertation, etc. Le problème ? Cette concertation se fait à deux, sans les personnes concernées.

Ce n’est pas neutre. C’est une construction de couple qui pose des limites unilatérales sur des relations dans lesquelles une seule des deux personnes est impliquée. Même avec les meilleures intentions du monde, cela revient à imposer à autrui des contraintes qu’iel n’a pas choisies.

Un peu comme si on invitait quelqu’un à une partie de jeu déjà bien entamée, mais en lui demandant de jouer sans les cartes les plus importantes, parce que “c’est comme ça qu’on a toujours fait”.

Le confort a un prix

Ce privilège de couple est souvent vécu comme un garde-fou. Il permet de se sentir en sécurité, de préserver une stabilité, de rassurer des peurs anciennes. Mais ce confort se paie ailleurs : dans l’invisibilisation, la marginalisation ou la souffrance de l’autre.

Et ce qui est parfois oublié, c’est que ces règles, posées pour se protéger d’un lien hypothétique trop fort, finissent souvent par freiner des liens bien réels. Et lorsqu’un·e partenaire “secondaire” construit ailleurs un lien plus libre, plus fluide, plus entremêlé, celui ou celle qui a posé les barrières peut se retrouver déstabilisé·e. Parce que cette personne qu’on aime “moins officiellement” devient soudain moins disponible, moins investie — tout simplement parce qu’on lui a montré, en actes, qu’elle aurait toujours un plafond de verre.

Le privilège de couple, à long terme, est donc un piège pour tout le monde : il empêche les nouveaux liens de se déployer, mais il enferme aussi ceux qui l’exercent dans des dynamiques qu’ils ne pourront pas inverser quand ils le voudront.

Si on me cachait des enfants, si on annulait mes rendez-vous au dernier moment “parce que l’autre ne va pas bien”, si on m’empêchait de dormir avec la personne que j’aime à cause d’un accord auquel je n’ai jamais consenti… est-ce que je me sentirais respecté·e ? Important·e ? En sécurité ?

On ne peut pas tout effacer. Les contraintes logistiques existent. Les enfants, les logements, les routines de vie ont du poids. Mais la différence se fait dans la manière d’inclure, d’écouter, de co-construire. Le respect ne naît pas d’une règle bien pensée, mais d’un espace dans lequel chacun·e

Une autre manière d’aimer

Déconstruire le privilège de couple ne veut pas dire qu’on doit “faire comme si” les autres relations n’existaient pas, ou qu’on doit dissoudre ce qu’on a déjà bâti. Cela veut dire apprendre à agir en adulte dans chaque relation : choisir, négocier, s’engager sans se défausser sur un “nous” qui surplombe tout.

C’est abandonner le “on a décidé” pour reprendre la parole au “je”.

C’est oser dire : “C’est mon choix, c’est ma limite, c’est ma peur.” Et ouvrir un dialogue vrai, dans lequel chacun·e peut poser ses besoins, ses désirs, ses frustrations, sans se heurter à un mur déjà érigé par d’autres.

Car au fond, le polyamour, ce n’est pas avoir plusieurs relations. C’est oser les vivre toutes avec conscience, avec honnêteté, et avec le courage de regarder en face les déséquilibres qu’on a peut-être contribué à créer.

Comment(s):

Chris (April 8, 2025, 6:35 p.m.):

Votre article met en lumière de manière pertinente le défi du privilège de couple dans les relations polyamoureuses. Je me demande cependant si accorder une place trop importante au "je" ne risque pas de fragiliser les différents "nous" qui existent au sein de ces configurations. Il y a d'une part le "nous" conjugal, le socle de la relation initiale qui nécessite une attention et un investissement continus pour sa propre pérennité et son équilibre, et d'autre part le "nous" familial, qui inclut les enfants et représente un système interdépendant.
Il est crucial de considérer que si l'un des deux membres du couple initial se retrouve seul ou engagé dans une relation moins épanouissante que l'autre, cela peut créer un déséquilibre significatif au sein du couple. Ce déséquilibre peut engendrer des tensions, des frustrations et potentiellement remettre en question la stabilité du "nous" conjugal, qui est pourtant souvent la base sur laquelle repose l'ensemble de la structure polyamoureuse.
Pour ma part, je pense qu'il est essentiel de privilégier une forme de "nous" global, un équilibre familial où chacun puisse trouver son bonheur et son épanouissement. Cela implique une attention particulière à la dynamique du couple initial, en veillant à ce que les besoins et le bien-être de chacun soient pris en compte au sein de ce "nous" premier, mais aussi à l'impact des relations polyamoureuses sur les enfants et l'harmonie familiale. Évidemment, si un membre de ce "nous" global se sent profondément malheureux, un dialogue ouvert et honnête est crucial, et la possibilité d'une séparation doit être envisagée. Néanmoins, je crois qu'une intention de départ axée sur la préservation d'un équilibre familial, en commençant par la solidité du "nous" conjugal, est préférable.
Il est également important de reconnaître que la notion de ce "nous" familial n'est pas statique. Elle évolue avec le temps, les changements de partenaires, la croissance des enfants, et les expériences vécues par chacun. Un équilibre qui fonctionne à un moment donné peut nécessiter des ajustements ultérieurs. La flexibilité, la communication continue et la volonté de réévaluer la dynamique de chaque "nous" sont donc essentielles pour maintenir l'harmonie au fil du temps. Si l'objectif premier est de constamment privilégier ses propres désirs individuels sans considération pour l'impact sur les différents "nous" existants, cela ne relève-t-il pas davantage d'une recomposition de vie individuelle plutôt que d'un véritable projet polyamoureux ?"

Yassine (April 8, 2025, 6:58 p.m.):

Hello Chris, désolé y'avais un bug avec les commentaires, j'imagine que c'est pour ça qu'il y a plusieurs fois le même. Je vais revenir sur votre commentaire plus tard. J'ai envie de revenir sur plusieurs points, et c'est très intéressant, mais j'ai envie de le faire à tête plus reposée que maintenant.

Yassine (April 9, 2025, 8:43 a.m.):

Je comprends l’importance du "nous" conjugal et du "nous" familial, surtout quand il y a une histoire commune, des engagements forts, des enfants parfois. Ces liens méritent attention, énergie et investissement. Je ne le remets pas en cause.

Mon désir premier, ce sont effectivement mes désirs individuels.
Mais mes désirs individuels, ce sont : prendre soin des personnes autour de moi, être un soutien fiable, faire ce que je peux pour aider les gens à avancer, être présent dans mes relations, tout en m’accordant l’espace nécessaire pour rester moi-même. Si je m’oublie, je ne peux plus être un soutien pour personne.
Et si j’avais des enfants, il y aurait aussi ce désir très fort d’être là pour eux, de les accompagner, de les voir grandir et s’épanouir.

"""Il est crucial de considérer que si l'un des deux membres du couple initial se retrouve seul ou engagé dans une relation moins épanouissante que l'autre, cela peut créer un déséquilibre significatif au sein du couple. Ce déséquilibre peut engendrer des tensions, des frustrations et potentiellement remettre en question la stabilité du "nous" conjugal, qui est pourtant souvent la base sur laquelle repose l'ensemble de la structure polyamoureuse."""

Oui, ça peut arriver. Et ça arrivera dans 99% des relations polyamoureuses, et c’est ok. C'est impossible que les deux personnes vivent les mêmes expériences en même temps. Mais ce n’est pas à cause de la "troisième personne". Ce n’est pas cette personne qui crée le déséquilibre, c’est le manque d’attention ou de présence de l’un des membres du couple originel. Et pourtant, dans la pratique, c’est souvent cette "troisième" qu’on écarte, qu’on sacrifie, alors qu’elle n’a rien fait d’autre qu’ouvrir son coeur. C’est là que le "nous conjugal" devient malsain : quand il se protège au détriment d’autrui. Quand on fait de la troisième personne, la coupable, alors que le coupable est en réalité la personne qui a négligé sa relation initial.

Il y a plusieurs manières de parler de hiérarchie.

La première est factuelle : des engagements préexistants comme les enfants, la cohabitation, les finances. C’est légitime. Il suffit d’être honnête : “Voici ma vie, voici le type de relation que j’ai à offrir aujourd’hui.” Et peut-être que cette place conviendra à l’autre personne. Tout le monde ne veut pas se marier, avoir des enfants, habiter ensemble, etc. Certaines personnes l'ont peut-être déjà et/ou ne recherche absolument pas ça et trouverait génial de voir une personne une fois toutes les deux semaines. Il y en a pour tous les goûts.

La deuxième est beaucoup plus problématique : c’est celle d’un “nous central” qui surplombe tout, où si une perssonne se sent frustré; parfois parce qu’elle n’a pas elle-même de relation en ce moment, la personne avec qui son/sa partenaire vit quelque chose de beau devient soudain jetable. Invisible. Interchangeable.
Ce n’est pas le "je" qui est égoïste dans ce cas-là. C’est ce "nous" conjugal qui traite les autres comme des objets.

"""Pour ma part, je pense qu'il est essentiel de privilégier une forme de "nous" global, un équilibre familial où chacun puisse trouver son bonheur et son épanouissement. """

Mais ce “nous global” n’a pas besoin d’exister contre les autres relations. On peut être présent pour sa relation de longue date, on peut prendre soin de sa famille, être là pour ses enfants, sans pour autant négliger ou sacrifier les autres liens qu’on tisse.
Ce n’est pas une question de hiérarchie émotionnelle ou d’importance des personnes, c’est une question de disponibilité, d’honnêteté, et d’engagement envers chaque relation qu’on choisit.
L’équilibre, ce n’est pas de réduire les autres au silence quand c’est compliqué à la maison, c’est de trouver des manières de les intégrer à notre vie, de les respecter, de les considérer comme des personnes à part entière, avec leurs besoins et leurs vulnérabilités.

"""si un membre de ce "nous" global se sent profondément malheureux, un dialogue ouvert et honnête est crucial, et la possibilité d'une séparation doit être envisagée"""

Ce dialogue est nécessaire, oui. Mais encore une fois, ce n’est pas la faute de la personne extérieure. C’est au sein du couple que quelque chose demande à être réajusté. La responsabilité de ce déséquilibre ne devrait pas être déplacée sur quelqu’un qui n’a fait que s’attacher, aimer, s’investir.

Et le polyamour ce n'est pas simplement un empilement de relations autour d'un noyaux fixe. Peu importe le point de vue "solo-poly" ou "couple socle", si on prend du recul c'est toujours la même chose C’est un tissu vivant de relations, une constellation de relations, toutes différentes, toutes précieuses. Oui, certaines prendront plus de place, de par leur durée, leur intensité, leur quotidien — elle ressembleront à un noyau, mais ce n’est pas parce qu’une relation prend plus de place qu’elle doit écraser les autres. La place qu’on laisse à chaque relation devrait se construire avec les personnes concernées, pas être décidée par la relation qui ressemble au noyau.

"""cela ne relève-t-il pas davantage d'une recomposition de vie individuelle plutôt que d'un véritable projet polyamoureux ?"""

Oui parfait, recomposons une vie individuelle, c'est important et c’est une bonne chose. Même en monogamie, une vie individuelle saine est essentielle : avoir des ami·es, des hobbies, une autonomie financière, des gens qui sont la pour nous supporter. Le "nous" ne repose que sur deux "je". Un "je" affaibli, c’est un "nous" fragile. Une vie individuelle riche, c'est une "Je" sain et donc un "nous" plus fort. Quand tu as une vie individuelle forte et saine, tout à coup, c'est beaucoup plus simple quand on a pas de relation, mais que son partenaire en a plusieurs.
Et le projet polyamoureux, pour moi, c’est exactement ça : prendre soin de chaque lien, avec conscience. Chaque relation est unique, mais chaque personne impliquée mérite les mêmes égards, la même considération, le même respect.

Chris (April 8, 2025, 6:36 p.m.):

Votre article met en lumière de manière pertinente le défi du privilège de couple dans les relations polyamoureuses. Je me demande cependant si accorder une place trop importante au "je" ne risque pas de fragiliser les différents "nous" qui existent au sein de ces configurations. Il y a d'une part le "nous" conjugal, le socle de la relation initiale qui nécessite une attention et un investissement continus pour sa propre pérennité et son équilibre, et d'autre part le "nous" familial, qui inclut les enfants et représente un système interdépendant.
Il est crucial de considérer que si l'un des deux membres du couple initial se retrouve seul ou engagé dans une relation moins épanouissante que l'autre, cela peut créer un déséquilibre significatif au sein du couple. Ce déséquilibre peut engendrer des tensions, des frustrations et potentiellement remettre en question la stabilité du "nous" conjugal, qui est pourtant souvent la base sur laquelle repose l'ensemble de la structure polyamoureuse.
Pour ma part, je pense qu'il est essentiel de privilégier une forme de "nous" global, un équilibre familial où chacun puisse trouver son bonheur et son épanouissement. Cela implique une attention particulière à la dynamique du couple initial, en veillant à ce que les besoins et le bien-être de chacun soient pris en compte au sein de ce "nous" premier, mais aussi à l'impact des relations polyamoureuses sur les enfants et l'harmonie familiale. Évidemment, si un membre de ce "nous" global se sent profondément malheureux, un dialogue ouvert et honnête est crucial, et la possibilité d'une séparation doit être envisagée. Néanmoins, je crois qu'une intention de départ axée sur la préservation d'un équilibre familial, en commençant par la solidité du "nous" conjugal, est préférable.
Il est également important de reconnaître que la notion de ce "nous" familial n'est pas statique. Elle évolue avec le temps, les changements de partenaires, la croissance des enfants, et les expériences vécues par chacun. Un équilibre qui fonctionne à un moment donné peut nécessiter des ajustements ultérieurs. La flexibilité, la communication continue et la volonté de réévaluer la dynamique de chaque "nous" sont donc essentielles pour maintenir l'harmonie au fil du temps. Si l'objectif premier est de constamment privilégier ses propres désirs individuels sans considération pour l'impact sur les différents "nous" existants, cela ne relève-t-il pas davantage d'une recomposition de vie individuelle plutôt que d'un véritable projet polyamoureux ?"

Chris (April 8, 2025, 6:36 p.m.):

Votre article met en lumière de manière pertinente le défi du privilège de couple dans les relations polyamoureuses. Je me demande cependant si accorder une place trop importante au "je" ne risque pas de fragiliser les différents "nous" qui existent au sein de ces configurations. Il y a d'une part le "nous" conjugal, le socle de la relation initiale qui nécessite une attention et un investissement continus pour sa propre pérennité et son équilibre, et d'autre part le "nous" familial, qui inclut les enfants et représente un système interdépendant.
Il est crucial de considérer que si l'un des deux membres du couple initial se retrouve seul ou engagé dans une relation moins épanouissante que l'autre, cela peut créer un déséquilibre significatif au sein du couple. Ce déséquilibre peut engendrer des tensions, des frustrations et potentiellement remettre en question la stabilité du "nous" conjugal, qui est pourtant souvent la base sur laquelle repose l'ensemble de la structure polyamoureuse.
Pour ma part, je pense qu'il est essentiel de privilégier une forme de "nous" global, un équilibre familial où chacun puisse trouver son bonheur et son épanouissement. Cela implique une attention particulière à la dynamique du couple initial, en veillant à ce que les besoins et le bien-être de chacun soient pris en compte au sein de ce "nous" premier, mais aussi à l'impact des relations polyamoureuses sur les enfants et l'harmonie familiale. Évidemment, si un membre de ce "nous" global se sent profondément malheureux, un dialogue ouvert et honnête est crucial, et la possibilité d'une séparation doit être envisagée. Néanmoins, je crois qu'une intention de départ axée sur la préservation d'un équilibre familial, en commençant par la solidité du "nous" conjugal, est préférable.
Il est également important de reconnaître que la notion de ce "nous" familial n'est pas statique. Elle évolue avec le temps, les changements de partenaires, la croissance des enfants, et les expériences vécues par chacun. Un équilibre qui fonctionne à un moment donné peut nécessiter des ajustements ultérieurs. La flexibilité, la communication continue et la volonté de réévaluer la dynamique de chaque "nous" sont donc essentielles pour maintenir l'harmonie au fil du temps. Si l'objectif premier est de constamment privilégier ses propres désirs individuels sans considération pour l'impact sur les différents "nous" existants, cela ne relève-t-il pas davantage d'une recomposition de vie individuelle plutôt que d'un véritable projet polyamoureux ?"

Log in to leave a comment